LE QUARTIER KILOMÈTRES 5, BAROMÈTRE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA PAIX EN CENTRAFRIQUE.
Après une longue accalmie faisant croire au retour définitif de la sécurité et de la paix, la Centrafrique a renoué avec les démons du passé. En effet, un officier de l'armée centrafricaine a été froidement abattu et de façon lâche par des assaillants bien connus des services de police. L'armée nationale perd ainsi un valeureux officier au moment où elle en avait besoin. S'agit-il d'un règlement de compte ou d'un crime provocateur ? En tout état de cause, le ministre de la justice doit s'employer à faire la lumière sur cet énième crime et la loi doit s'appliquer dans la plénitude de sa rigueur. Ce crime crapuleux a embrasé le pays avec des actes de représailles sur de paisibles citoyens des deux communautés capitalisant au passage une dizaine de morts. Cette recrudescence de la violence a amené le citoyen lambda à s'interroger légitimement sur le statut du quartier kilomètres 5. Ce quartier à l'origine est un quartier d'affaires où toutes les ethnies, communautés religieuses se croisent pour soit vendre, soit acheter des produits de tout genre.
Avec l'avènement
de la Séléka, ce paisible quartier s'est érigé en forteresse, une base militaire lourdement outillée que le camp Kassaï qui abrite l'Etat major des forces armées centrafricaines. Ce quartier est devenu avec la bénédiction des nouvelles autorités une zone de non-droit, une poudrière, un Etat dans un Etat ( chose inédite au monde ). Une zone de non-droit est par définition un quartier ou un territoire à la merci du crime où les forces de défense nationale ne sont pas les bienvenues et que le seul droit qui s'applique est leur volonté. Les autorités observent avec impuissance sans rien dire avec une tacite complicité de la Minusca. Devant le recul du pouvoir central, peut-on parler d'ingérence passive de la Minusca ? Cela s'apparente t-elle à une tutelle ? En rétrospective, quelles sont les vraies raisons de cette guerre ? Quels sont les en-dessous de cette guerre ? Notre colonisateur et/ou la communauté internationale à travers la Minusca sont-ils les régulateurs de cette guerre ? Si cette hypothèse se confirme, cela justifie t-elle l'embargo sur les armes ? Est ce que le Président de la République lui-même connaît les raisons de cette guerre ? Que peut encore prouver la Minusca ? Elle a montré ses limites à chaque fois qu'elle est mise à l'épreuve. En outre, quel est l'intérêt de s'adresser à la nation après un crime quand le discours est vide de contenu, sans annonces, ni mesures ?
Un Président de la République ne s'adresse à la nation que s'il y a des annonces et non pour faire un constat d'amertume ou seulement de condamner. En guise d'exemple, après les attentats de Charlie hebdo à Paris, le chef de l'Etat a décrété l'état d'urgence assorti des mesures administratives et sécuritaires. Les multiples voyages du chef de l'Etat ont alors servi à quoi ? La diplomatie économique doit s'accoupler avec la diplomatie sécuritaire. La résolution de l'ONU sur la Centrafrique est très claire mais son application a été biaisée pour des intérêts égoïstes. Le Président de la République devrait, en marge du sommet de l'ONU à New-York demander des clarifications sur les termes de cette résolution et discuter franchement avec les autorités françaises pour nous accorder ne fusses que la sécurité et la paix. Notre colonisateur a appliqué en Centrafrique le même schéma tactique qu'au Mali à la seule différence que Kidal est au nord du pays, excentré de la capitale tandis que le quartier du kilomètres 5 est implanté en pleine capitale. L'absence de volonté politique est à la base de cet imbroglio. En est-il ainsi pour faire pression sur les nouvelles autorités centrafricaines ? Désarmer de force le kilomètres 5, zone superficiellement petit doit aussi attendre la table ronde de Bruxelles ? Pensez-vous que des gens qui ont acquis l'habitude de gagner aussi facilement leur vie en faisant usage de leur arme vont accepter désarmer pour de maudite somme ?
Le Président actuel, en connaît quelques expériences quand il fut premier ministre. L'attentisme des nouvelles autorités a favorisé l'éclosion des seigneurs de guerre. L'attentisme par définition est une pratique politique qui consiste à refuser l'initiative et à se déterminer en fonction des événements. Il traduit l'attente d'une occasion favorable pour agir. Mais cette occasion favorable viendra quand ? Les centrafricains meurent tous les jours et un nouveau recensement démentira les statistiques souvent maquillées pour des besoins de la cause. Ainsi nous exhortons humblement le chef de l'Etat d'exercer le pouvoir du peuple en prenant des décisions avant que le pouvoir ne l'exerce car la tolérance du peuple a des limites. Nous nous permettons de rappeler au chef de l'Etat que le meilleur moyen de conserver le pouvoir du peuple est de ne pas le perdre. Les actions que vous posez depuis un semestre ne sont pas de nature à contribuer à la pleine jouissance de votre pouvoir. En conséquence de ce qui précède, nous vous invitons à mettre en place le gouvernement de l'union sacrée tant attendu avec la représentation des grands courants politiques y compris les membres représentatifs des groupes armés en contrepartie de leur reddition ou capitulation. En six mois de gouvernance, soit 1/10 eme du mandat, les membres du gouvernement cooptés en guise de remerciements ou de services rendus ne peuvent pas débarquer au nom de l'intérêt supérieur de la nation ? N'ont-ils pas encore récupéré leur énergie dépensée ?
L'heure est grave et doit être orientée vers le travail basé sur la compétence pour éradiquer le mal centrafricain. Dans le volet sécuritaire, le ministère de l'intérieur semble réussir par le passé aux militaires et para-militaire c'est à dire les officiers de la police, de la gendarmerie et de l'armée. Pourquoi ne pas tenter cette expérience ? Nous avons également constaté que le Président n'écoute personne. Lors de la rencontre de Paris avec la diaspora de France, le chef de l'Etat a botté en touche toutes les remarques, initiatives et propositions qui lui ont été faites au point de se demander si cette rencontre a servi à quelque chose. Quand on s'entoure des conseillers, il faut daigner les écouter car le chef de l'Etat ne peut pas être à la fois au four et au moulin. Son entêtement dans cette posture risque de lui coûter très cher et rompre le lien de confiance que le peuple a placé à l'endroit de sa modeste personne. Le peuple est tolérant car conscient de la crise mais il ne faut pas en abuser de sa confiance car tout abus nuit. Mais attention, ne dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c'est moi.
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections.