LA COUR CONSTITUTIONNELLE DE TRANSITION A-T-ELLE DIT LE DROIT ?

Publié le par TAKA PARLER

THEOPHILE EKA II
THEOPHILE EKA II



La Décision de la Cour Constitutionnelle de Transition (CCT) en date du 25 janvier dernier a provoqué et continue de provoquer diverses réactions, parfois réalistes mais souvent ubuesques!

Des réponses ont-elles été apportées aux chefs péremptoires de conclusions des conseils des requérants?

Mes collègues juristes le savent, peut-être mieux que moi, le droit, comme toute science est tributaire de méthode et de rigueur!
J'entends ça et là des réactions et analyses qui tantôt ressemblent à des causeries de cabarets, tantôt à des analyses philosophiques, science d'une dignité certaine qui néanmoins à ces propres règles et méthodes!

Pour critiquer la décision de notre Cour Constitutionnelle de Transition qui annule le scrutin législatif dans son ensemble tout en validant les présidentiels, quelqu'un d'entre nous a écrit que "les mêmes faits créent les mêmes effets"!

Point nous ne doutons que les mêmes faits créent généralement les mêmes effets!
Pourtant le déterminatif "généralement", ici usité renvoie à l'idée de l'existence d'exception!
En droit , il existe, nous le savons une maxime selon laquelle "l'exception justifie la règle".
L'intime conviction des juges ne saurait être assise sur le déterminisme qui est une doctrine qui s'oppose au nécessitarisme et au fatalisme!
Pour preuve, ces deux notions existent en droit!
Au pénal, par exemple, chaque délinquant est jugé par rapport à sa personnalité et aux circonstances propres de la commission de l'infraction!

Ceci étant dit, même si des scrutins sont groupés, les conséquences tirées des fraudes ou autres griefs ne sauraient avoir des conséquences uniformes sur le résultat des deux scrutins!
Il ne peut avoir de raisonnement par analogie!

L'article 132 du code électoral est ainsi rédigé: "L’annulation de l’élection est prononcée si des irrégularités avérées sont
susceptibles d’inverser les résultats eu égard à leur ampleur et au faible écart
de voix qui sépare les candidats ou si les circonstances du déroulement des
opérations électorales ont pour effet d’empêcher l’exercice de tout contrôle
sur la sincérité des résultats".
D'emblée, nous remarquons que, quantitativement, "les irrégularités susceptibles d'inverser" les résultats d'un scrutin législatif ne peuvent être les mêmes que celles du scrutin présidentiel!
Tandis que le scrutin législatif est local, le présidentiel est national.
Une irrégularité qui se déroule, localement, peut inverser des résultats locaux sans affecter l'ordre des résultats des élections présidentielles.
Les élections présidentielles mobilisent des millions de voix alors que localement, un député ne peut briguer que la voix d'une centaine d'électeurs!
Cette centaine, même, auteur d'irrégularités, peut inverser les résultats des législatives mais n'affecte ceux de la présidentielle!
Il sied aussi de rappeler la position jurisprudentielle en la matière.

Elle est d'ailleurs constante!

En France, pays à partir duquel nous tirons souvent notre jurisprudence, le Conseil Constitutionnel a surtout annulé plusieurs élections législatives lorsque l'écart entre les deux candidats est faible!

Cette considération nous amène à traiter de l'article 133 de notre code électoral: "La Cour Constitutionnelle procède au redressement corrélatif des résultats si
l’impact des irrégularités constatées peut être déterminé. Le cas échéant, la
Cour Constitutionnelle proclame les résultats ainsi redressés".
En effet, si le redressement corrélatif des résultats a pu être déterminé pour ce qui est de ses conséquences sur le scrutin présidentiel, il ne pouvait l'être pour les législatifs (scrutins)!
Pour terminer, je vous invite à une tournée dans les méandres de la jurisprudence des contentieux électoraux:

Les recours déguisés en rectification d'erreurs matérielles:

Attention, une demande qui, bien que se présentant comme des «recours en rectification d'erreur matérielle», a en réalité pour objet de contester l'appréciation des faits ou leur qualification juridique est irrecevable (CC, AN décision n°. 97-2209 du 20 février 1998, Var 1ère ; 97-2258 du 12 mars 1998, Gironde 5ème).

Inscription multiples sur les listes électorales (comme alléguer devant la CCT):

Si un électeur se trouve inscrit à la fois sur la liste électorale de la commune de B et sur la liste de la commune des U, «cette circonstance a été sans incidence sur les résultats du scrutin alors qu'il ressort de l'examen des listes d'émargement que cet électeur n'a voté que dans une seule commune» (CC, AN décision n° 97-2238 du 29 janvier 1998, Essonne 5ème).

Il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier la régularité des inscriptions sur les listes électorales dès lors qu'il n'est pas établi que les inscriptions contestées résulteraient d'une manœuvre (CC, AN décision n° 97-2113 et suiv. du 20 février 1998, Paris 2ème). N'établissent par elles-mêmes l'existence d'une telle manœuvre ni la circonstance que le rapport entre le nombre d'électeurs inscrits et celui des habitants d'une commune serait supérieur à celui constaté dans d'autres communes, ni la circonstance que le rapport entre le nombre de cartes électorales envoyées aux électeurs et celui des cartes renvoyées par la poste serait inférieur au rapport constaté dans d'autres communes (CC, AN décision n° 97-2226 du 29 janvier 1998, Seine Saint Denis 11ème).

Le cumul de ces faits, graves et répétés, au sein du même arrondissement, est de nature à accréditer l'existence d'une manœuvre dans les conditions d'établissement de la liste électorale. Toutefois, le nombre des électeurs dont l'inscription peut être suspectée de fraude et qui ont voté au second tour du scrutin est sensiblement inférieur à l'écart des voix entre les candidats à ce tour, qui est de 2. 725 suffrages. » La manœuvre en cause, si condamnable soit-elle, n'a pu dès lors inverser le résultat du scrutin (CC, AN décision n° 97-2113 et suiv. du 20 février 1998, Paris 2ème).

Les irrégularités dans la composition des bureaux de vote, de l'absence ou de l'arrivée tardives des représentants des candidats:

Les irrégularités commises dans la composition d'un bureau de vote ne sont de nature à justifier l'annulation des opérations de vote qui se sont déroulées dans ce bureau que dans la mesure où elles ont eu pour objet ou pour effet de permettre des fraudes dans le déroulement du scrutin (CC, AN, décision n° 97-2264 du 23 janvier 1998, Somme 5ème ; CC, AN, décision n° 97-2201/2220 du 13 février 1998, Val d'Oise 5ème).

Les cadeaux aux électeurs (les fameux FA-MAPA OU CHERCHER À MANGER)!

Dès lors que leur coût figure aux comptes de campagne, un candidat peut offrir des objets promotionnels à ses électeurs durant sa campagne, mais non des cadeaux d’une valeur significative assimilable à une pression sur les électeurs.

En conclusion, tout force à faire constater par le pauvre juriste que je suis, que la Cour Constitutionnelle de Transition a bel et bien dit le droit!



Théophile EKA 2, juriste

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Z
C'est bien dit. Donc entendu!
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