LES POLITIQUES CENTRAFRICAINS: ENTRE RÉVEIL TARDIF ET CONTRAINTES DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Publié le par TAKA PARLER

Paul-Crescent BENINGA
Paul-Crescent BENINGA

Les politiques centrafricains, ont, pendant longtemps, sombré dans le mutisme au point que l’on en vient à proclamer, à tort ou à raison, sa capitulation. Les récents débats relatifs à l’organisation des élections et la situation des institutions en charge de la transition ont, contre toute attente, réveillé quelques personnalités de la classe politique centrafricaine. Ce réveil, bien que tardif, a permis à certains partis « dits d’opposition » de formuler quelques perspectives d’action et d’amélioration de la situation actuelle de la R.C.A. Ainsi, se pose avec acuité la question suivante : quelle lecture peut-on faire d’un réveil aussi bien tardif que polémique ?

Deux hypothèses peuvent se dégager de l’analyse des perspectives d’action et d’amélioration proposées par une partie des politiques centrafricains : d’une part, il s’agit d’une reprise en main de la situation qui prévaut, et, d’autre part, on peut évoquer une tentative de récupération politique qui a pour but de contrecarrer les stratégies de certains partis à l’instar du MLPC, de CRPS et autres qui, visiblement, rament à contre courant.

De ces deux hypothèses susmentionnées, la seconde me paraît la mieux indiquée et donc privilégiée dans cette analyse. En effet, du point de vue de la forme, le texte proposé marque la volonté réelle de ses auteurs à contribuer à la résolution de la crise centrafricaine. Cependant, l’analyse du fonds démontre que les propositions formulées ne sont guère de nature à faciliter la gestion de la crise actuelle. De mon modeste point de vue, il m’a semblé dilatoire et incohérent d’exiger une troisième transition d’une durée de 24 mois ayant pour conséquence directe la reprise systématique du processus de la mise en place des institutions en charge de ladite transition. Cette proposition marque une volonté de reprise de pouvoir par certaines personnalités politique afin de mettre en place une stratégie qui contrecarrerait la stratégie électorale déjà « pensée et peaufinée » ailleurs. D’ailleurs, il s’agit, de mon avis, de l’élément déclencheur de ce réveil.

Se cache aussi derrière ces propositions, la volonté de mettre de côté tous les textes qui font office d’obstacle à la candidature de certains leaders anciens et/ou membres des différents gouvernements de la transition. En effet, la mise en place d’une troisième transition entrainerait l’érection de nouveaux textes qui pourraient être taillés sur mesure. Ainsi, courons-nous le risque de tomber non seulement dans un cycle interminable de conflits, mais davantage de gouvernements de transition.

Au regard de ce qui précède, il se pose la question qui suit : jusqu’où iront les auteurs de ces propositions ? Ont-ils la capacité d’atteindre leurs objectifs ? Aujourd’hui, il est tôt de remettre en cause la capacité des politiques centrafricains d’aller jusqu’au bout de leurs actions. C’est pourquoi, la déclaration d’Hervé Ladsous relative à l’impossibilité d’une troisième transition devrait constituer l’instrument de mesure de la motivation de nos politiques. Comment vont-ils ajuster leur stratégie à la suite de cette déclaration marquée par la volonté de la « communauté internationale » d’organiser les élections avant 2016 ? Somme toute, cette déclaration est une réponse non formelle de la « communauté internationale » à la classe politique centrafricaine. De cette déclaration, il ressort, en effet, qu’aussi bien la classe politique centrafricaine que le peuple tout entier disposent d’une marge de manœuvre très réduite dans le processus de résolution de la crise actuelle. Toutefois, cela ne doit pas être une surprise, car depuis des décennies, nous, centrafricains, avons toujours cru que la solution à nos problèmes viendrait d’ailleurs. A cela, il faut ajouter notre forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur au point que nos partenaires au développement se retrouvent dans une position de donneur d’ordre.

Ceci dit, cela ne signifie pas forcément qu’à défaut d’une troisième transition, il faut coûte que coûte aller aux élections, encore moins prolonger indéfiniment le mandat de la transition actuelle. Comme je l’ai indiqué dans mes précédentes analyses, li faut privilégier une approche inclusive afin que tous les acteurs soient réunis pour pouvoir trouver un consensus autour de la question, lequel consensus assumerait les réalités socio-anthropologiques de la crise actuelle.


Paul-Crescent BENINGA

Chercheur en Sciences Politiques.

beningacrescent@yahoo.fr

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